Avec Annie, nous nous sommes rendus à Guémené pour préparer les plantations de Beaumont (bois communal de Blain). En fait, le remplacement d’arbres victimes de la dent des chevreuils, des conditions météo ou d’un sol peu favorable. M. Huvelin, notre interlocuteur depuis la les premières plantations, travaille au « Conservatoire de l’arbre sauvage », l’une des trois pépinières nationales qui, jusqu’à présent dépendent de la Direction de l’agriculture et de la forêt… mais qui vont passer sous la coupe de l’ONF. Un passage que nos interlocuteurs – avec qui nous avons discuté durant la pause café – n’envisage pas sans appréhension. Conscients des tensions qui règnent au sein de l’ONF, ils ont déjà pris contact avec le syndicat SNUPFEN avec lequel notre association a partagé ses soucis à plusieurs reprises. L’un des techniciens présents évoque une rencontre récente avec l’un des « grands chefs » venu de Paris, un vrai « militaire » rigoureux, directif, ne laissant pas de place au dialogue, aux initiatives. C’est à l’occasion de ce déplacement que l’arboretum de la forêt du Gâvre a été remis en état… enfin ! Il faudrait sans doute qu’on lui conseille de venir plus souvent… Quel sera le travail de la pépinière demain ? Les qualités d’accueil, la liberté actuelle en matière de recherche, d’expérimentation seront-elles maintenues ou ira-t-on vers le seul développement d’essences forestières susceptibles de s’adapter aux changements climatiques, et surtout d’améliorer la qualité et la croissance des arbres ? Une cause qui peut paraître noble si elle n’est pas uniquement consacrée au rendement économique, à une amélioration des fiances à court terme. Qu’en sera-t-il du « Conservatoire des espèces anciennes », riche de biodiversité, d’essences souvent plus rustiques, adaptées aux changements ? Monsieur Huvelin nous conduit ensuite à travers la pépinière jusqu’à une « serre d’été » ombragée où croissent de multiples plants. Il nous explique les aspects les plus passionnants de son travail. Par exemple, l’étude comparée de l’évolution de hêtres issus du sud et du nord de la France, la sélection d’arbres résistants aux changements climatiques par greffage et bouturage, la sauvegarde d’espèces en voie de disparition comme le cormier autrefois fréquent dans nos campagnes, ou l’orme victime de maladie. Pour cette essence, des boutures d’orme champêtre et d’orme lisse ont été collectées près de l’écluse de la Prée à Blain. Il s’avère que seul l’orme lisse a résisté. Tous les plants d’orme champêtre ont péri. La pépinière reçoit des graines du monde entier qui sont stratifiées puis plantées, possède une collection impressionnante de chênes de toutes tailles et origines, de multiples essences recueillies au fil des échanges et déplacements. Actuellement, une stagiaire opère un recensement et procède à un étiquetage de tous ces jeunes arbres dispersés sur le site (espèces, date de semis, provenance…, tout est répertorié.) M. Huvelin nous explique comment la pépinière contribue à sauver des arbres anciens menacés de disparition. Ainsi, ce chêne de plus de 800 ans très affaibli par un feu allumé par des inconscients au sein de son tronc creux. Une greffe a été réalisée à la pépinière. Opération réussie mais le plant obtenu a le même âge que l’arbre « mère » ! Il faut donc, dans un 2ème temps, le rajeunir en prélevant une bouture afin que l’arbre nouveau croisse sur ses propres racines. Bientôt, les plants d’un an que nous observons seront déplacés des serres d’été (ombrage) vers les serres d’hiver (plus chaudes) avant d’être transférés en pleine terre où l’on continuera d’observer leur croissance, leur résistance aux maladies… ou expédiés en fonction des commandes. Une liberté et une passion basées sur la recherche et l’expérimentation qui, nous l’espérons, pourront perdurer sous la nouvelle direction…
Un homme heureux
Mauvais début pour notre année pommes ! Notre fournisseur guémenéen de l’an dernier, après nous avoir fait patienter pendant plus d’un mois, a fini par nous déclarer qu’il n’en avait plus… Heureusement, nous avions repéré un verger lors de notre deuxième opération « glanage ». Aussitôt, le téléphone est mis en action et s’avère un outil efficace. En moins de 10 minutes, le propriétaire est identifié, joint, convaincu… Et nous pouvons même maintenir la date de cueillette au surlendemain… Samedi 27/10, grâce à un itinéraire très précis (nous ne disposons pas de GPS), nous trouvons sans hésitation notre homme fort, moustachu, un peu grisonnant, affairé au sein de son exploitation. Accueil simple et amical. Il nous conduit près des pommiers au sol jonché de fruits rouges ou jaunes.-Ce sont des pommes à cidre, des pommes douces.Devant notre regard interrogatif, il précise, très professionnel :-Je possède des pommes à jus et des pommes à cidre. Ces dernières sont moins juteuses. Le fait qu’il s’agit de pommes douces entrainera la production d’un jus plus sucré de couleur quasiment rouge qui virera au jaune d’or avec le temps. Petites rouges, jaunes aux formes rebondies emplissent bientôt paniers et sacs. A six, nous œuvrons avec efficacité. Pour ménager nos forces, l’agriculteur a placé une remorque à l’extrémité du champ. Le temps est froid, venteux – une bise pénétrante – mais ensoleillé, et là, entre les rangées de pommiers, les froidures sont vite oubliées, les arbres formant un rempart protecteur. Nous déversons le dernier seau dans le dernier sac lorsque le propriétaire nous rejoint : une évaluation parfaite du temps de travail. Avant que nous quittions le verger, il nous apporte son témoignage, à la fois technique et philosophique. Cet agriculteur exploite une dizaine d’hectares de pommiers qui produisent environ 350 tonnes de fruits, du moins les bonnes années, car les arbres rechargent leurs forces une année sur deux. « Il faut le prévoir dans le budget ! » Ces pommes sont vendues à la cidrerie de Guenrouët à laquelle l’exploitant est lié par un contrat qui lui permet de bénéficier d’une garantie et de tarifs corrects. Par ailleurs, il élève des poulets « en vente directe », des cous nus noirs qui « prennent une teinte luisante avec des reflets verts » à maturité, au bout de 17 semaines. Les coqs atteignent alors 3 kg environ et sont plus côtés que les « labels rouges ». Leur nourriture, blé et féveroles, est produite sur la ferme. L’éleveur a choisi une économie « verticale » : de la poule à l’œuf, puis aux poussins placés dans un bâtiment spécial, aux poulets de plein air (avec poulailler abri). Le fermier possède son propre abattoir et fournit ses fidèles clients une fois par mois. « J’étais ouvrier, soumis à une pression constante dans l’entreprise. Maintenant je suis indépendant, libre, heureux. Pour rien au monde je ne retournerai en arrière ! Mon installation m’ôte tout souci d’argent et me permet de vivre tranquille, détendu. Bien sûr, il faut travailler dur, parfois sous la pluie, et les journées durant les périodes de récolte des pommes sont interminables. Il me faut ensuite un bon mois pour récupérer… Mais je suis fier de mon travail et libre de mon organisation. Mon métier me permet aussi de créer. Ainsi, avant cette récolte, j’ai travaillé 3 mois à la réalisation d’une « récolteuse » en adaptant une machine à vendanger : moteur, cabine, technique de ramassage sont de « conception maison ». Prochainement, je vais me lancer dans la réalisation d’une « secoueuse » à partir de la fourche du tracteur, d’un marteau piqueur… Gauler les pommes par tous les temps n’est guère agréable, surtout quand elles vous tombent sur la tête, sur le nez… Oui, sur le nez, c’est ça le pire ! » Nous l’interrogeons à propos des branches basses qui doivent gêner le travail de la machine… « Chaque année je taille une partie de ces branches à la tronçonneuse. Un travail difficile mais nécessaire. Cette parcelle est prévue pour cet hiver, c’est pourquoi il y a beaucoup de branches basses. Le bois coupé me sert pour le chauffage. » Un homme passionnant et passionné qui a trouvé liberté et bonheur dans un dur labeur, mais un labeur choisi qui lui permet d’exprimer tous ses talents. Il n’est plus un maillon de la chaîne, mais une chaîne – voire deux (verger et poulailler) à lui tout seul. Heureux et fier.