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Révolte au jardin

 

                           La révolte gronde au jardin…

 

-          Aïe ! Ouille ! Eh, l’éléphant, calme-toi !action.jpg

-          Mais qu’est-ce qui leur prend ! Voilà mes feuilles toutes froissées et tachées de boue ! Moi qui étais si fier de les étaler au milieu du parterre, au point de susciter la jalousie des voisins navets et radis noirs…

-          Et que devrions-nous dire, nous les brins d’herbe de la verte pelouse amoureusement coiffés : un vrai champ de bataille. Un bombardement de pieds. La guerre ! Oui, c’est la guerre au jardin ! Vous les légumes, vous n’avez pas trop à vous plaindre : ils vous évitent le plus souvent en bondissant dans les allées. Mais nous, nous subissons le combat de plein fouet, les martèlements de leurs pattes d’éléphant. On s’accroche tant bien que mal à nos racines, on se dissimule sous la boue en espérant que les prochaines pluies nous laveront…

-          Vous savez, ce ne sont pas les éléphants dont parlent les contes. Non, simplement nos jardiniers épris de liberté et animés par un brin de folie, de jalousie peut-être aussi au point de vouloir s’ancrer dans la boue comme nous… Chênes et saules, nous observons de haut : ils poursuivent une boule blanche qui ne sait trop où se réfugier. Parfois, elle tente de se dissimuler parmi vous, les légumes. D’autres fois, elle fuit au-delà des limites du potager. C’est alors qu’ils crient « But !!! » De temps en temps, nous faisons des croche-pieds : c’est amusant de les voir s’étaler par terre, se relever vaseux et dégoulinant…

Le grand Arthur qui, hier, nous cassait les oreilles en frappant les tôles de « l’abri d’Annie » (c’est comme ça qu’ils l’appellent) s’est allié à Thomas contre le timide Adrien et Pierre-Axel l’enragé. Je crois bien que c’est lui qui est à l’origine de cet affrontement somme toute amical… Je crois même qu’il a promis de venir vous bichonner demain et remettre un peu d’ordre au « jardin »…

                … Nouvelles plaintes désespérées près de l’entrée. Cette fois, ce sont les ronces et orties qui protestent avec véhémence :

-          Ils sont bien contents de venir cueillir nos fruits et nos feuilles. Une tarte aux mûres, une soupe d’orties… Et pourtant voilà qu’ils s’acharnent sur nous ! Il paraît que nous faisons de l’ombre à leur abri !

               Enfin, « ils », « elles » plutôt, le trio des « artistes » qui depuis longtemps lorgne sur notre coin. Nous nous faisions modestes, avancions subrepticement, presqu’incognito… Mais voilà que Véronique, Annie, Elisabeth, aidées d’Arthur, ont décidé de s’approprier notre domaine. Ils y ont implanté un ensemble de bois mort et de ferraille, un « lieu d’accueil » qui jamais n’égalera nos vertes feuilles ! Et cette bâtisse morte, il faut l’aérer… à nos dépens ! Regardez avec quel acharnement s’activent Véronique et Annie !

                Un vent de révolte souffle sur le jardin détrempé où les étourneaux sont revenus s’installer. Au crépuscule, ils arrivent par nuées. De qui sont-ils les alliés ? Des légumes civilisés ? Du bois sauvage menacé ? En tout cas, pas de Hip Hop effrayé par leurs piqués. Pas davantage des canards et poules mouillés qui n’ont nulle envie de partager graines et pâtées.
                Les trombes d’eau aussi s’acharnent. Mare et bassin atteignent la côte d’alerte, les céréales de Benjamin sont noyées, même la serre est touchée : l’allée centrale luit de flaques. Laurent, PAD, Marie-Josée creusent des rigoles, paillent les abris des animaux… et les parterres : un fécond manteau d’hiver.
                Malgré tout, de nouveaux projets naissent : animer l’entrée, trouver un nouvel abri plus esthétique pour la paille et le foin, créer un nouveau terrain de « jardifoot » plus éloigné des légumes. Tandis que certains rêvent à l’organisation de la St Valentin, les ados se projettent sous le soleil espagnol : possible virée d’été qu’il faut déjà penser à organiser. Les plus jeunes pensent mares, radeaux, cabanes dans les arbres, chasse aux ragondins, pêche et parcours sportif à réhabiliter.
 

                Au jardin, on n’est jamais à court d’idées…

Préparation militaire

                Depuis quelque temps, on s’affaire le mercredi au jardin. A mon arrivée, la « troupe » des jeunes s’active déjà sur le terrain de manœuvres, la mare et la prairie voisine : franchissement de clôtures et ruisseau, maniement « d’armes jardinières », marches tout terrain…arcc.jpg

                Quel ennemi se prépare-t-on à affronter ? Les « dents rouges » qui semblent en pleine déroute depuis l’arrivée des combattants ? Le réchauffement climatique – eh oui, ça peut surprendre, mais on y pense ? Des bétonneurs qui voudraient s’emparer de « l’espace nature » (nous avons un exemple pas bien loin) ? Les envahisseurs étourneaux qui squattent le bois le soir venu ? Ou tout simplement un ennemi virtuel qui pourrait un jour devenir concret…

                En plus de l’entraînement, on procède au recrutement : de nouvelles têtes apparaissent qui découvrent le terrain, s’enthousiasment, puis s’en vont vers d’autres horizons…

                Au cœur du bois, un PC a été construit : bureau de commandement au rez-de-chaussée, nouvelle tour d’observation dissimulée à l’étage. Et l’on s’initie à la fabrication d’armes. Aux flèches polynésiennes et bolas s’ajoutent des arcs de plus en plus performants. La recherche bat son plein, des innovations sont testées comme cet instrument à mi-chemin entre la sarbacane et la « siquoire » de nos ancêtres. Sans doute inspiré aussi par certaines activités illicites derrière le dos des professeurs… Quant aux animaux domestiques, ils bénéficient de soins particuliers… en cas de siège… ils pourraient s’avérer déterminants…

                Imagination, échange d’idées, usage d’outils, le groupe « jeunes » progresse en autonomie.

                De passage au jardin, François-Xavier veut lui aussi s’initier au maniement de l’arc, et il bénéficie des conseils avisés de Véronique. Malgré son jeune âge et un arc plus grand que lui, la progression s’avère rapide.

                Décembre : temps doux et pluvieux, le terrain est gorgé d’eau et il faut creuser de nouvelles rigoles d’évacuation en urgence  côté « espace agricole » où les céréales sont submergées, près des arbustes fruitiers et fraisiers où l’eau stagne. Les allées du potager ont aussi besoin d’un petit coup de pelle pour faciliter l’écoulement vers la mare qui atteint son plus haut niveau.

                Les poules ne semblent pas trop souffrir de leur cour boueuse, toutefois un parcours boisé leur a été réservé où elles peuvent s’ébattre et gratter à souhait durant nos heures de présence. Elles bénéficient également des paroles d’encouragement de Marie-Josée et de ses petits plats si bien qu’en signe de reconnaissance, elles se sont remises à pondre ! Le canard se dandine plein de majesté et fait la cour à ses dames. Quant aux chèvres, elles attendent avec impatience notre arrivée pour un peu de pain et quelques heures dans l’herbe verte de la prairie voisine. Parfois, libérées, elles se précipitent vers la route où un passant à la malencontreuse idée de tenir un pain à la main. Observatrices, nos belles !

                Déroute 

                L’armée des oies en déroute défile ce matin au-dessus de nos têtes. « V » cassé, cacophonie : la volaille de base proteste véhémentement :

-          Vers le nord-est début janvier, faut être givré ! (peut-être pas le mot qui convient)

Plus tard, en milieu d’après-midi, même cacophonie dans le ciel gris : formation en W plein sud-ouest ! Les mêmes ? Les insurgés du matin auraient-ils pris le pouvoir et décidé de faire demi-tour ?

Les primevères déjà fleuries m’aide à comprendre : le climat  sombre mais printanier de cet hiver déroute le cycle de la vie. Seuls, microbes et virus jouissent allègrement de la moiteur qui emplit les cabinets des médecins, fait tousser nos chèvres que nous aidons à lutter contre les parasites.

Poules et canes aussi sont perturbées : les pontes ont repris et notre canard s’active sans relâche transformant l’Arthurienne en tapis de sol qu’il arrose fréquemment avec l’eau des bassins pour lui redonner un peu de blancheur. Il faut dire que ses grandes pattes vaseuses agrippées au plumage immaculé ne rendent pas la mémère particulièrement séduisante. Pourtant, tous les deux semblent apprécier les longs baisers sur le cou et la chevauchée fantastique vers le 7ème ciel.

A bientôt les canetons ?

Par contre, Blanchette et Marguerite se désolent. Elles ont l’habitude de donner naissance dans le frimas des premières neiges de janvier. Il faut bien aguerrir les petits ! Les ventres sont lourds et arrondis ; mais de neige, point ! Combien de temps faudra-t-il attendre pour accoucher selon la tradition ?