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Curun 2018

Curun 2018

           Antruis   Envie de grand air en ce janvier maussade voilé de bruine, Antoine nous a proposé une rando au cœur de la forêt. Pourquoi pas « Curun », pour une « cure » d’optimisme ? D’autant que c’est la destination choisie par la classe « forêt » du collège St Laurent pour la semaine suivante, et sans doute l’un des plus beaux sites de la forêt, vallonné, à la biodiversité remarquable… Historique aussi, puisque c’est là que les romains avaient installés des thermes en bordure de la voie celtique (route de Redon aujourd’hui), un hôtel dont il ne reste que des fondations, un lac en fermant le ruisseau par un barrage encore visible de nos jours…

           Temps clément pour cette première sortie forestière de l’année. Nous débarquons sur l’allée qui s’allonge de cime en val jusqu’à l’horizon. Sur notre droite, de vieux chênes moussus sur lesquels croissent des fougères. A droite, des essais de replantation avec des techniques diverses : tuyaux de drainage, plastiques noirs, semis naturel… Cette dernière technique s’est révélé la seule efficace en ce lieu. Pas besoin de protection contre les animaux : les jeunes chênes abondent. Du creux du vallon s’élève un petit bois de bouleaux aux reflets blancs et violets, une rareté en forêt. A l’horizon, des frondaisons de pins noyées dans une brume bleutée du plus bel effet…

        Julian remarque la présence au sol d’un fil qui s’allonge tout au long de l’allée avec des marques rouges de distance en distance. L’ONF en serait-il resté à cette technique primitive pour mesurer la surface de l’allée à rénover ?Mjfoug

          Voici les derniers chênes sauvés lors d’un abattage qui nous avait conduits à intervenir en raison de la dégradation du site historique par les gros engins utilisés. Certainement qu’ici l’utilisation de chevaux pour le débardage serait justifié, sous le contrôle d’archéologues. Une végétation épineuse colonise les vestiges. C’est la présence de fragon qui permet de reconnaître les restes de murs et de bâtisses sur le coteau exposé au sud. Au-dessus des abattages ont repris. Espérons que de lourds engins ne viendront pas creuser leurs ornières et continuer à saccager les lieux… Je fais remarquer la présence de nombreux rochers blancs qui émergent de la végétation. Au sommet, les techniciens ont placé deux enclos, l’un engrillagé, l’autre non. C’est la technique de comptage préférée de la nouvelle responsable ONF des Pays de Loire. Si la croissance des jeunes plants dans le carré libre est inférieure à celle du carré fermé, c’est qu’il y a trop de gros animaux. Un moyen surtout de justifier des quotas de chasse élevés…

         Direction un bois de bouleaux en contrebas, rare décor en forêt avec ses troncs blancs, ses houppiers violacés. Au centre,  une clairière de fougères rousses cache des trous. Des pierres ont semble-t-il été extraites de ces lieux où les rochers affleurent. Les jeunes descendent dans la fosse la plus importante où stagne une flaque d’eau sombre. L’aventure ! Deux pins à l’écorce usée et salie attirent l’attention. Visiblement ces arbres possèdent un attrait magique pour les animaux qui « dansent » au pied, s’y frottent après le bain pour éliminer les parasites. Des sangliers sans doute. Au-dessus quelques lambeaux d’écorce récemment arrachées témoignent aussi de la présence de chevreuils et cervidés.Ruisseau3

          Des touffes humides de molinies d’un crème clair précèdent un profond ruisseau. Une eau courante peu profonde, parfois écumeuse, qui chante sur un lit de graviers dorés. Certains, conduits par un Antoine intrépide – mais pas toujours adroit - continuent la marche dans le cours d’eau quitte à ce que les bottes s’emplissent devant les barrages de branches qui créent de mini mares plus profondes. On glisse pour rejoindre la berge, on s’égratigne aux ronces : trempés ! balafrés ! Mais  les fous rires l’emportent ! Et voici l’ancien barrage qui délimite à l’ouest une cuvette, dernière trace d’un ancien lac fermé de main d’homme.

         Sur les hauteurs un chemin tend à s’effacer. Il nous conduit jusqu’à l’allée du « Pont de Curun ». Au-delà, nous pénétrons dans une sombre plantation de Douglas. Une végétation totalement différente. Des arbres ont été abattus au fil des éclaircies et l’on remarque avec étonnement que certaines souches se sont cicatrisées avec au centre une sorte de nombril. Une écorce dure comme de la pierre s’est reformée. Voilà qui illustrer les constatations de P. Wohlleben, le forestier allemand dont « la vie secrète des arbres » connaît un succès que nous aimerions voir partagé par nos techniciens locaux. Le technicien évoque la découverte de « curieuses pierres moussues ». Et il ajoute «  ce que je croyais être des pierres était en fait du vieux bois, d’anciens vestiges de souches d’arbre ». Il explique cette situation « impossible » par « l’aide active de voisins amis, l’alimentation souterraine des racines par leurs ramifications souterraines » avec un rôle essentiel des champignons «  l’Internet de la forêt ».Nidb En levant les yeux, nous découvrons une plateforme de branchages : un nid de buse sans doute. Impressionnant ! Un peu plus loin, en bordure d’une coupe rase se dresse une cabane de branchages : à chacun son nid ! Trois sièges à l’intérieur, les restes d’un feu devant : œuvre de bûcherons, de chasseurs ou de promeneurs pour se protéger du froid ? Quant à la cabane officielle bâtie autrefois par l’ONF, elle tombe en ruine. L’accès étant interdit aux véhicules, elle n’est pratiquement plus fréquentée. L’on reconnaît ici encore le choix de l’ONF d’agglomérer les visiteurs autour d’un ou deux lieux : des sortes de villages forestiers qui évitent une trop grande rupture avec la vie urbaine…, l’intrusion sur les sites d’abattage et de chasse…

           Devant nous s’étend une savane de « guinche », à droite un vallon dominé par une vaste étendue de jeunes plantations. Un paysage ouvert, magnifique, même si l’on regrette l’étendue des coupes rases. Au sein des herbes hautes et sèches, Antoine déniche des morceaux de bois aux formes originales dont il se charge pendant quelque temps avant d’opérer un tri : le sac est trop lourd ! Victimes des tempêtes de début d’année, des pins couchés dévoilent une masse racinaire qui n’a que superficiellement pénétré le sol jusqu’à une couche d’argile compacte. L’occasion d’escalades…

           Nous terminons la boucle en suivant des layons tracés au milieu des jeunes plantations. Symphonie de couleurs claires et sombres, croche-pieds de ronces traitresses jusqu’à une allée empierrée. En bordure, des troncs abandonnés. Certains ont été revendus à des bûcherons pour devenir « bois de feu ». Dans la voiture, nous attend la brioche offerte par Annie, pas du superflu après cette longue marche !

              Avec la classe « forêt » :Marcheau

          Trois jours plus tard, j’attends la classe « forêt » du collège St Laurent entre un mur de troncs de pins et des déchets abandonnés à l’entrée de l’allée de la Mouthe. L’aventure commence par une course d’orientation sans grande difficultés qui s’achève par une séance de selfies. Il faut dire que ces jeunes du XXIème siècle sont archi connectés. Tous sont porteurs d’une tablette avec GPS le plus souvent complétée d’un portable. Les boussoles classiques ont plutôt un statut de reliques…  Pique-nique sur les hauteurs du site des thermes, sélection de morceaux de bois aux formes étranges pour le prochain cours d’arts plastiques, et nouvelle marche où l’on revit  les aventures et découvertes du samedi précédent.

        La sortie s’achève sur un layon aux nombreuses ornières emplies d’eau où évoluent différentes espèces de tritons de toutes tailles. Au loin s’achève une chasse à courre dont nous distinguons les traces dans la vase des chemins.

         Nos aventuriers du jour boueux, fatigués, aux pieds trempés (certains n’avaient même pas de bottes), semblent satisfaits de leur journée. L’un d’eux vient d’ailleurs me remercier. Ils en auront des photos et souvenirs à partager !