Eric-Emmanuel Schmitt – La vengeance du pardon
J’aime le style de l’écrivain à la fois soigné, simple et vivant ; sa vision de l’humanité et la profondeur de l’analyse psychologique aussi.
Dans cet ouvrage se succèdent quatre nouvelles avec une approche psychologique développée, du suspens, de la cruauté parfois, un air de roman policier dont on sait qu’il se terminera par une victime…
Parmi ces nouvelles, j’ai préféré celle qui donne son titre au livre : « La vengeance du pardon ». Une sorte de huis clos entre un assassin multirécidiviste qui se prend pour un tigre, la mère de l’une de ses victimes et… un chat à l’apport émotionnel essentiel. Une mère qui « pardonne » afin de réintégrer l’assassin dans l’humanité, afin qu’il soit rongé par les remords. Un pardon qui se conclut par « Bienvenue en enfer ! »
On peut aussi être sensible au décor soigné des récits, à l’indispensable présence de la nature : « Sur le promontoire des Alpes, il avait découvert qu’on pouvait se contenter de vivre, de respirer, de ressentir la caresse du vent, d’ouvrir les yeux pour admirer le monde… ». N’est-ce pas là notre vraie « part d’humanité » ?
Alysa Morgon – Les Arbres ont aussi leur histoire
Je venais d’achever Le cœur blanc de Catherine Poulain, une histoire sombre de migrants saisonniers abrutis d’alcool, de drogues, de violences dans une Provence dévorée par les incendies : « Nous y passons tous. Nous buvons et buvons encore puis nous tombons ». Un ouvrage au style haché profondément déprimant…, quand « mes arbres » m’ont irrésistiblement conduit vers l’ouvrage d’Alysa Morgon.
Mêmes lieux provençaux, mêmes héros migrants, mais une autre époque, et surtout une vision du monde fort différente. De quoi vous redonner le moral !
Tout n’est pas rose dans la famille Ponti, de misérables travailleurs de la terre italiens qui, par leur courage et leur obstination, parviennent à se faire une place dans un petit village français. Une place et un bonheur simple malgré les morts prématurées. Dans cette vie, l’arbre, le peuplier tremble importé d’Italie en particulier, occupe une place de choix : « On n’abat pas un arbre pour rien. Jamais ! Parce qu’un arbre c’est sacré ! ». Arbre honni par un voisin jaloux, miraculeux aux yeux de croyants crédules (en fait, la vie des arbres est beaucoup plus mystérieuse et complexe que ce que l’on croit généralement), mais vrai « arbre de l’amour » pour Rosie, Anicet, les jeunes et les plus anciens rassemblés dans ce « petit paradis » où toutes les générations se côtoient, dialoguent, marchent ensemble : « La vieille ou le vieux appréciait cette jeunesse, parce qu’elle lui donnait un élan d’allégresse et faisait battre son cœur, jusqu’à faire briller ses yeux de mille diamants de bonheur. »
J’ai passionnément aimé ce livre où j’ai retrouvé certains aspects de la ferme familiale, la bienveillance et le dur labeur, la place des ancêtres, le bonheur simple de la campagne au milieu des arbres. Un bonheur à retrouver et préserver selon le mot du maire : « Je ne peux pas intervenir, sinon il faudrait que je le fasse pour l’odeur du fumier ou pour les moutons qui n’arrêtent pas de bêler et les coqs de chanter ! Moi, je pars d’un principe : la nature, faut pas y toucher. Au contraire, il faut la laisser faire comme bon lui semble… ». Une préoccupation partagée par notre association « Chemins d’avenir »…
L’auteur ne manque ni d’humour, ni d’empathie et d’optimisme (ce que lui reprocheront sans doute des esprits grincheux) et nous apprend à surmonter les épreuves. Merci pour ce livre qui fait du bien : « Les bonnes paroles, tu sais, ça ne fait de mal à personne, ni aux jeunes, ni aux vieux ».
René Manzor – Apocryphe
L’auteur féru de connaissances bibliques se base sur les « Evangiles » pour écrire son roman « apocryphe ». Le récit est passionnant, le suspens constant, les références historiques et géographiques intéressantes. L’ouvrage relate la vie imaginaire d’un fils de Jésus confronté aux divisions des juifs, à la cruauté des romains, à l’ambiguïté du message biblique. Une certaine complaisance pour les scènes d’horreur sera mon seul reproche. Ne soyez pas rebutés par l’épaisseur du livre, la division en courts chapitres rend la lecture aisée.
En cette période de propos haineux, de violences, de menaces envers des élus, de « nouvelles » invérifiées, déformées… et largement diffusées sur les réseaux sociaux, je vous conseille de relire l’ouvrage de Jean Teulé : Mangez-le, si vous voulez. Un fait divers bien réel qui s’est déroulé dans notre « belle France » : un élu jusqu’alors estimé est victime de rumeurs (on dirait aujourd’hui « fake news »). Il est poursuivi, torturé, massacré… et même mangé ! par une population en liesse… Un comportement que l’on retrouve aujourd’hui à l’égard de journalistes et autres ennemis de la dictature populaire ou non… Attention aux phénomènes de masse !!!