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Curun à la UNE

 

Curun à la UNE

            (photos sur le site: album photo --> forêt)
 

                Oh, que ce fut long ! Mardi de pluie, mardi de vent… de semaine en semaine l’aventure « Curun » était reportée et le pique-nique prévu dégusté… au collège !

                Et c’est juste avant les vacances de février que le soleil a daigné accueillir les jeunes forestiers au cœur des bois. Mais un vrai soleil, une radieuse journée quasi printanière.

                D’abord, course d’orientation, départ allée de la Mouthe direction azimut 280° vers l’allée de Curun. Deux chevaux oubliés dans une prairie en lisière nous font la fête : courses, ruades, leur façon de remercier ceux qui les sortent de l’ennui quotidien. Il faut dire que le lieu est isolé, l’herbe de la prairie n’est plus qu’un souvenir, la botte de foin « de secours » pourrit enveloppée d’un filet qui en interdit l’accès, le bac à eau est renversé…

                Toutes les 5 minutes, l’un des 5 groupes de 5 s’élance boussole à la main. Un parcours simple, sans incident, et tous se retrouvent sur le site des Thermes pour le pique-nique. J’explique comment repérer les murs des anciennes bâtisses romaines que les élèves ont découvertes au CDI du collège, puis les groupes s’installent sur les souches et rochers du site pour reprendre des forces. Le regard porte loin : tout autour  les arbres ont été abattus et l’on domine de jeunes taillis. Au-dessus des têtes, quelques chênes squelettiques souffrent de leur isolement.

                Rassasiés, nous plongeons vers la vallée. D’abord une marche dans les fougères, sous une voûte de jeunes arbustes. Le sol est parsemé de trous, d’anciennes carrières de pierres semble-t-il, dissimulées sous les herbes. Un lieu unique en forêt du Gâvre. Tout comme est unique le petit bois de bouleaux que nous traversons : troncs blancs aux zébrures africaines qui brillent au soleil, houppiers de bourgeons violacés. Un lieu magnifique qu’il faudrait sauver des dents avides des monstres forestiers. On suit la piste de chasseurs, de cervidés, de sangliers aussi dont les traces sont visibles au sol bien sûr, mais aussi sur un pin dont ils ont usé l’écorce en s’y frottant pour éliminer les parasites.

                Ruisseau en vue : une eau claire qui murmure dans un creux sur fond de sable. Des pépites d’or, peut-être ? Pendant un moment nous suivons le joyeux et discret cours d’eau, sur les rives ou dans le lit que certains trouvent si douillet qu’ils y sautent, s’y trempent, s’en délectent longuement !

                Tiens, quelles sont ces buttes ? Des falaises où le ruisseau a percé une trouée. Un ancien barrage ? En tout cas, l’occasion d’escalade, la création de toboggans… la perspective de lessives au retour ! Mais, contrairement à ce que peuvent croire certains, la nature s’apprécie d’abord par le contact physique. L’intellectualisation est secondaire et s’appuie « naturellement » sur une réalité éprouvée dans une sorte de  « corps à corps ».

                Sourires qui fleurissent sur les visages, joie d’une liberté nouvelle, des contraintes de la civilisation oubliées, lavées dans les eaux claires et chantantes.

                Une large allée dresse les bras démesurés de ses chênes centenaires invitant à rejoindre le chemin du « pont de Curun ».

                Autre atmosphère : nous nous enfonçons sous une sombre sapinière au sol moussu. Les restes d’une cabane attirent les commentaires et les envies…, marche ensuite sous des pins puis des chênes semenciers dont les descendants taquinent les pieds. Nous regagnons le chemin empierré au niveau d’une sorte de pampa, de savane africaine plutôt dont les hautes herbes sèches dissimulent de multiples serpents gigantesques, troncs oubliés d’une déforestation démesurée. D’ailleurs, c’est une caractéristique de tout ce site : de nombreux troncs de chênes abandonnés sous les ronces et les herbes, baignant dans une eau croupissante, parfois envahis de champignons… Pourquoi ce saccage, ces abattages intempestifs, si les arbres abattus ne sont pas exploités ? Beaucoup s’inquiètent, voire s’indignent en constatant la gestion « désastreuse » de la forêt du Gâvre. Nous en avons encore ici un témoignage.

                C’est en même temps que le car scolaire que nous atteignons l’aubette de la route de Carheil, fatigués mais riches de découvertes, heureux d’un contact direct avec la Nature.

               Une semaine plus tard, le site a ouvert ses richesses à une dizaine de membres de l’association. Une balade vivifiante à laquelle il manquait toutefois quelques rayons de soleil. Mais le sourire des premières primevères, les boutons rougissants des hellébores sauvages apportaient leur note printanière.. Une artiste biche avait même préparé la venue d’Annie, notre spécialiste du Land’Art en sculptant de ses dents deux écorces de hâtre : un travail délicat et harmonieux. Le ruisseau a bien voulu écumer et chantonner tout en glissant sur le sable doré. Au sommet d’un semencier, deux trous ont révélé la présence de pics noirs, à proximité les branches d’un pin soutenaient difficilement un impressionnant nid de buse.

                Retour par les ornières de l’allée des Freslonières bordée d’arbres torturés aux troncs étrangement contrefaits. Et toujours ces innombrables arbres abattus envahis par les ronces, les champignons parfois. Un étonnant gaspillage !

                Curun, un site dont l’originalité ne doit pas être sacrifiée au dieu argent.